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TPS : L’accord de la honte !
Temps Partiel des Séniors

Le 26 novembre 2009, les organisations syndicales CFDT, CFTC, CGT, FO ont entériné le dispositif proposé par France Télécom sur le temps partiel des séniors, appelé TPS !

La Direction de France Télécom a donc profité du malaise généralisé dans l’entreprise, mis en exergue par les médias et la médecine de prévention, pour avaliser un énième plan social avec la complicité habituelle des syndicats dits représentatifs, plus la CGT qui vient de s’engager officiellement sur la voie du réformisme et de l’accompagnement.

En effet, France Télécom annonce 1.500 embauches seulement pour environ 6.000 départs sur 20.000 possibles, autrement dit un déficit substantiel d’emplois qui dégradera encore plus les conditions de travail pour les personnels en activité.

Rappelons que les importantes réductions d’effectifs provoquées par la loi sur le CFC du 26 juillet 1996 avec très peu de recrutements, l’accord « pour tous » OARTT du 2 février 2000 sans embauches, les plans « TOP » (regroupement des directions régionales) puis « Next » avec ses 22.000 suppressions d’emplois programmées sur 3 ans entre 2006 et 2008, ont contribué à une augmentation de la charge de travail.

Toutes ces incessantes désorganisations ont abouti à la situation que nous connaissons aujourd’hui, à savoir une souffrance chronique qui frappe désormais toutes les catégories de personnel… excepté celle de nos dirigeants, quel dommage !

Car la vague de suicides, qui malheureusement en découle, ne date pas de la période actuelle mais remonte à plusieurs années, contrairement à ce que bon nombre de syndicalistes feignent de découvrir.

Ainsi, plusieurs drames similaires s’étaient produits dès 2003, puis en 2004 à Ajaccio, Montreuil s/mer, Anglet, Montpellier, Trappes, Cholet, Nantes, Lagny, Pessac (Sif@c et UIC), ce qui avait conduit le journaliste Dominique Decèze, spécialiste du droit du travail, à publier un livre au titre fort évocateur : « La machine à broyer – France Télécom : Quand les privatisations tuent ».

Celui-ci, à l’invitation de la radio associative « La clé des ondes, 90.10 » avait même tenu une conférence à Bordeaux dans l’indifférence syndicale générale, hormis SUD-PTT 33. Il est d’ailleurs question qu’il revienne prochainement car la situation sur le sujet s’est considérablement détériorée depuis son dernier passage. Côté Direction de France Télécom, aucune véritable mesure concrète n’a été entreprise depuis cinq ans, la création de l’observatoire national du stress n’étant qu‘un leurre pour étouffer l’affaire et occuper les bureaucrates syndicaux.

Le DRH de l’époque, Bernard Bresson, interrogé sur la question, déclarait déjà sans vergogne à la presse : « on se suicide à France Télécom comme partout » et niait tout lien de causalité avec les conditions du travail. En 2009, Laurent Zylberberg (Relations sociales) et Didier Lombard (PDG) ont repris exactement le même discours avant d’être remercié pour l’un ou écarté pour l’autre, suite à la gêne d’un gouvernement pressé par une opinion publique, elle-même choquée par ces méthodes inhumaines.
Pour en revenir à cet accord scandaleux, que même la CGC n’a pas signé, il ne va donc pas améliorer la situation des personnels de France Télécom, y compris pour les futurs bénéficiaires. Ces derniers devront consentir, entre 57 et 60 ans, à percevoir au mieux un salaire de 80% pour profiter d’une remise de 6 mois avant la retraite. Tu parles d’une aubaine : après avoir été traités avec la pire indifférence, ils sont priés de mettre la main à la poche pour financer leur temps partiel et de foutre le camp. Merci Patron !

Ce plan est en outre complété par quelques "mesurettes" : 5 jours de formation chaque 3 ans (quelle avancée, à l’instar des 2 jours « découverte » de l’accord OARTT tombés dans les oubliettes !), possibilité d’une prime de départ comprise entre 0 et 24 mois (on vous laisse deviner son montant), une visite médicale annuelle (aucun intérêt) et enfin, l’apothéose, le « Cap carrière », entretien individuel supplémentaire dont les précédents sont à l’origine du mal-être actuel.

Il renferme aussi des dispositions qui existaient déjà et qui nous ressortent « réchauffées » : remise gratuite de la médaille d’honneur des Postes et télécommunications ou du travail (sans la prime de 1.000 €. ou des jours supplémentaires de congé, contrairement à d’autres administrations), consolidation des avantages monétaires (15 points indiciaires issus de l’accord social 1997 et reclassement de 1990), progression d’au moins un niveau dans sa carrière (voir accord social du 9 juillet 1990), validation de la VAE (une couillonnade car inapplicable), tutorat pour non-cadres, accès à la formation pour les plus de 45 ans (alors que les demandes de DIF leur sont refusées).

Quant à l’adaptation des grilles indiciaires aux grades de classification et de reclassement équivalents à la catégorie B de la fonction publique (classe II), elle n’est qu’une transposition par l’Etat de la réforme intervenue l’été dernier dans la fonction publique. En effet, contrairement à ce qui a été annoncé par les signataires, seul le pouvoir exécutif peut modifier les décrets statutaires particuliers des corps en question. D’autre part, le but de cette mesure est de concerner le moins de personnes possible, à l’instar de l’AVMON dit des 15 points « négocié » en 1997…

Enfin, les conditions ne sont pas garanties pour les bénéficiaires, ce qui signifie qu’en cas d’allongement de la durée des cotisations ou de l’âge de la retraite, la date de départ peut être repoussée, tout comme le montant de la pension abaissé. Un chèque en blanc, en quelque sorte !

Bref, en cherchant bien, on ne distingue pas très bien où est l’intérêt de la majorité du personnel dans tout cela. En revanche, on comprend tout de suite celui de la boîte et de ses actionnaires.

Les syndicats signataires expliquent que s’ils n’avaient pas signé, il n’y aurait pas eu d’accord, ce qui est bien entendu absolument faux. Rien n’empêchait France Télécom d’appliquer un texte unilatéralement, comme cela s’est déjà produit dans le passé (par exemple, sur la gestion pour l’emploi et les compétences, DRHG/GPC/46 du 12 juin 2006). Ils avancent également que l’accord aurait été moins favorable (pour qui ?). Cet argument ne tient pas davantage que le premier. En effet, si France Télécom avait présenté un texte encore plus pourri que celui-ci, il n’aurait intéressé personne et placé dans l’embarras ses dirigeants avec leurs « séniors » sur les bras encore pendant quelques années. Au contraire, s’il n’y avait pas eu d’accord, France Télécom aurait été contrainte d’améliorer sa copie, notamment sur l’emploi et la rémunération.

Par leur infâme signature, les partenaires dits sociaux ont subitement renié toute la souffrance actuelle d’un trait de stylo et surtout déshonoré la mémoire des 33 suicidés (les deux derniers en date survenus le 14 novembre à Lanester et le 6 décembre à Voiron étant passés sous silence par l’ensemble des syndicats).

Cependant, une telle compromission, aussi vile soit-elle, ne pourra faire oublier qu’ils porteront tout à jamais sur leurs mains le sang de tous nos collègues disparus hier, aujourd’hui, voire demain.