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Belgique - Les travailleurs obligent bpost a engager 250 postiers

Les travailleurs obligent bpost a engager 250 postiers

Des grèves ont été décrétée par les postiers à Woluwe, Ixelles et Laeken. Mais aussi à Tournai, Soignies, Mouscron, Ath, Lessines et Frameries. Partout, Géoroute 6 est en cause. Schaerbeek faisait déjà grève pour la même raison en septembre. Les services étaient déjà lourds, mais deviendront encore plus lourds…

A Bruxelles, la grève est partie en front commun. En Wallonie, ce sont les affiliés de la CSC qui ont débrayé, mais des collègues de la CGSP ont été solidaires et étaient couverts par leur syndicat.

De nos jours, à Bpost, les grèves peuvent-elles encore apporter quelque chose ? Oui. Michel Bourton, secrétaire ACOD – CGSP pour Bruxelles : « Au début de la grève, il n’était pas question pour la direction de bpost, de négocier. Elle ne voulait pas “céder au chantage” ! Après 3 jours, nous avons obtenu que la direction accepte d’entamer des négociations nationales sur le poids des services et sur les normes. C’est important, parce qu’il y a des grandes différences entre les services et entre les bureaux. Pour le bureau de Woluwe St-Lambert et Woluwe St-Pierre, les services seront revus après ces négociations nationales. Le bureau d’Ixelles reçoit le renfort de 5 intérimaires en attendant. » Cela signifie que la direction devra recommencer la réorganisation de Woluwe, pour sortir une version allégée, surtout concernant les services les plus lourds.

Sur base de ce résultat, les facteurs de Woluwe ont décidé de reprendre le travail.

La direction a une tactique claire depuis le début de Géoroute : faire croire que ce système va équilibrer les tournées grâce à l’ordinateur, et dans les faits, maintenir et renforcer une forte inégalité entre les tournées. Et, de la sorte, de diviser le personnel.

Un autre but, non-avoué, est de « chasser » les anciens statutaires, les facteurs qui accordent encore une importance au contact social et tous ceux qui physiquement ou psychologiquement ont du mal à suivre le rythme des changements...

Raymond* : « Je fais partie de ceux qui ont un service lourd. J’avais déjà 8 km à faire à pied. Avec Géoroute 6, j’aurai 9 km. Nous ne portons plus le sac sur le dos. Nous avons des caddies. Mais quand on a 3 sacs sur le caddie, c’est difficile, tout le long de 8 km, de manier le caddie pendant qu’avec l’autre main on met le courrier dans les boîtes aux lettres. Et puis de monter les bordures et de descendre des trottoirs. Ce sont des petits chocs à répétition. J’ai pas mal de collègues qui ont des tendinites. Auparavant, nous avions des tournées de 5, 6 km à pied, ça c’était faisable. 7, 8 km c’est déjà très lourd. »

Viviane* : « En plus, chaque Géoroute a ses victimes. Il n’y a pas de licenciements secs. Les victimes, ce sont les intérimaires à qui on ne renouvelle pas de contrat, les contractuels qui sont licenciés pour la moindre erreur. Et il y a tous ceux qui ne savent plus suivre, qui n’en peuvent plus. J’ai deux collègues factrices qui souffrent de fybromyalgie à cause de la fatigue et un collègue d’à peine 42 ans qui ne sait plus travailler à vie à cause de son dos. Pour d’autres c’est la dépression, et après 1 an de maladie, bpost te pensionne d’office. Avec perte de revenu bien sûr. »

Maxime* : « J’ai la “chance” d’avoir une camionnette. Mais elle ne me sert que comme porte-charge. Une fois en tournée, je ne sais pas faire autrement que de distribuer tout à pied, 860 maisons. Je fais ainsi plus de 10 km à pied. Sans compter que j’ai une quarantaine de présentations (recommandés et colis). Je n’ai que 40 ans, mais quand je rentre à la maison, je ne suis plus capable de faire quoi que ce soit, sauf m’occuper un minimum de mes enfants, manger et de préparer la mallette du lendemain. Tout le reste, c’est pour le week-end. Même mon collègue qui n’a que 30 ans et qui allait aux entraînements de foot n’en peut plus, il a dû arrêter son sport… »

En Wallonie, les postiers ont également repris le travail. André Blaise, de la CSC-Transcom : « Dans une lettre, la direction se dit disposée de négocier sur les deux gros points que nous avions demandé : d’apporter plus de souplesse dans le temps de préparation des tournées des facteurs, et de la souplesse dans le temps de déplacement entre le bureau et le début de la tournée. Tenant compte des embouteillages. Si la réponse n’est pas satisfaisante, la CSC quittera à nouveau les négociations. »

Le mardi 23 octobre, au niveau national, les syndicats présents à la table des négociations, ont claqué la porte, et ont lancé en front commun un « dernier avertissement » : ils exigent de la direction qu’elle apporte des solutions immédiates pour pallier la pénurie de personnel, pour les services lourds et pour une formation adéquate des nouveaux recrutés.

Le lendemain, Paul Magnette, ministre des Entreprises publiques (PS) a appelé les organisations syndicales à retourner à la table des négociations. La meilleure façon d’agir selon lui, est de négocier. Pourtant, c’est grâce à la grève que bpost devra enfin agir pour les services lourds…

Le lundi 29 octobre, la direction de bpost promet 250 engagements directs. « La direction a bien compris notre message », a souligné le front commun syndical. Outre les nouveaux engagements, la direction a également promis un meilleur accompagnement professionnel des nouveaux travailleurs et des aménagements directs des services dans les bureaux. « Bien que ces derniers représentent un pas en avant, il s’agit seulement d’une première étape vers une solution durable », considèrent les syndicats. Les négociations reprendront le 6 novembre, « sur le fond », ont ajouté les syndicats.

Les grèves de Bruxelles et de Wallonie ont un résultat national important : l’engagement direct de 250 postiers. Et par la suite, l’allègement des services lourds partout à la poste pourrait également sauver de nombreux emplois.

Edith Janssens
* Noms d’emprunt